Recette de cuisine au petit VFour (3☆ au guide TT Dunlop)

... saisi par l´enthousiasme ainsi manifesté par la Foule, envers laquelle j´ai donc des devoirs, je remonterai à moto dès que mon dossier de retraite m´aura lâché le coupe-contact...

Mais la foule.... ah! La foule, l´assentiment de La Foule, du nombre .... ce désir collectif de soi-même que désirent tous les "Populaires" dès l´école primaire (ma fille naguère m´a appris l´écrasante puissance de ce mot auquel elle a, je m´en réjouis, su résister)...

Ce désir irrépressible d´être "populaire" pour la "foule", qui mène à la "téléréalité" en transformant la pompe à graisse en clystère à silicone tout en déplaçant le point d´injection...

En 1968, dans la chorale du pensionnat Saint Jean, Adco avait été affecté à "la foule", après l´audition initiale obligatoire des nouveaux élèves par l´abbé T. organiste et maître de choeur ... parce qu´il ne chantait pas très juste.

Puissions nous apprendre à ceux de nos enfants qui voudraient se soumettre à "la foule" qu´elle est rarement juste et trop souvent sotte.... mais surtout qu´elle ne connaît pas l´exaltation du motard, lequel n´a au mieux qu'une place à offrir, 2 s´il pratique le side car, et évite le plus souvent de le faire.

Seul avec sa bécane, focalisé sur la piste ou la route, totalement absorbé par l´instant, donc sans peur et totalement vivant, puisque la Peur hante l´avenir, comme l´analysait le philosophe (son nom m´échappe) qui s´était penché sur le TT et les Dunlop, frères et neveux....

Joey, Michael ... et toute leur famille motarde d´adoption... ces figures invraisemblables consumant leurs vies et leurs familles avec la brièveté du balancier d´horloge, pour une seconde arrachée à la Camarde qui nous guette, non pas tant de gloire gratuite auprès d´une foule fugace, mais d´Éternité, car le temps est suspendu lorsque la piste défile...

Cette année il y aura donc eu 6 morts au TT, affreux record, puisque notre deuxième français sidecariste gravement accidenté en juin 2022 vient de rejoindre ce 25 octobre son équipier décédé sur le coup...
Pensée pour les familles Chanal et Lavorel, que je ne connais pas.

266 morts en 101 éditions

"Liberté, liberté chérie...."
Requiescant In Pace.

Oui, cette hécatombe entretenue à chaque course devrait nous faire réfléchir tant elle nous semble inéluctable. S'agit-il de dépassement de soi ou de jeux du cirque? Y a-t-il des points précis de ce circuit où les pilotes se tuent plus qu'ailleurs, et qu'attendent les organisateurs pour régler le problème, ou est-ce le principe de cette course, six tours d'un circuit de 60 kms, difficile à mémoriser parfaitement, qu'il faut remettre en cause?

Chapitre 13 : L´âme de feu à Tremblay en Battlax

Découvrir en même temps Carole et Fireblade en habit noir et or, chaussée de Bridgestone Battlax stupéfiants, monter aux Cieux en leur compagnie, et, sans avoir dû beaucoup patienter, admirer le salto olympique d´une Kawasaki 750ZXR, tout aussi magnifique dans sa livrée verte et blanche, exécutant un Soleil au freinage d´Alpha....

Une moto c´est moins souple qu´une gymnaste, lorsqu´elle se ramasse la piste cul par dessus tête, comme sautée à la poêle.
Et n´est pas plus solide le moral du motard, qui contemple, après Chandeleur-Rodéo, son désir pas érodé voilé de crêpe noir...

"L´expérience est une chandelle... blabla.... celui qui la porte..." : chacun connaît la maxime et pourtant s´en bat les cils, de la Chandeleur à... la Toussaint.

Disons que j´ai eu la chance de m´approprier alors un peu le désespoir palpable du pilote de la Kawa, et d´entendre lors de la reprise de piste le sage commentaire, mi-ironique  mi-envieux, du préposé qui régulait, avec l´autorité conférée par son allure municipale, les entrées en cirque des apprentis gladiateurs :
"Encore un qui se prend pour un pilote avec sa bécane à 6 bâtons..." ou à peu près...
C´est ce que valait alors Fireblade.

C´est bien ce jour-là que me suis dit : il faut que je trouve une autre moto pour le circuit si je ne veux  pas pleurer à mon tour.

J´ai écarté l´hypothèse du coup de Suze, bien que manifestement couramment pratiquée à Carole en un temps où nul ne contrôlait le numéro de cadre à la prise de piste. Ce n´était pas mon genre.

Et en voyant un camarade, de mon gabarit, tourner autour des grosses sportives avec les 45 CV et 80 kgs de son microscopique Honda 125 RS, je me suis convaincu, n´étant pas 2 temps pour un sou, que je devais retourner vers Quatrédemie et la transformer radicalement pour le circuit. Mais en attendant, je suis revenu à Carole avec Fireblade, dimanche après dimanche....

Jusqu'à ce que mon pneu arrière indécrochable, après quelques week-ends d´ivresse et de progrès, glisse brutalement à la remise des gaz en sortie de parabolique, pour raccrocher aussitôt, me filer une bonne ruade, et me donner ainsi à contempler mon infortune en cours, en vision aérienne, c´est à dire les 2 mains grippées au guidon, les pieds ridiculement écartés bien loin du lieu idoine et les sliders au-dessus des épaules...
Je me suis alors vu en cavalier de steeple-chase au refus d'obstacle, lequel a parfois la chance que sa monture ne lui retombe pas dessus après la haie....

Mais dans la famille D&W (*se reporter page 1 pour les nouveaux entrants), les anges gardiens, même facétieux, restent aux aguets. Et je suis retombé en selle, zigzaguant dans le bac à graviers comme un damné danseur de Saint-Guy venant d´avaler sa dose d´ergot de seigle, jusqu´à reprendre la piste sur mes 2 roues, sans avoir stoppé, l´orgueil en berne, le coeur sonnant chamade, l´esprit au repentir....

Repenti, certes, mais je me la surjouais quand mon vendeur Faurie, chez qui je conduisais prestement Fireblade pour changer les gommards, lesquels jouaient maintenant les slicks avec leurs boules de gomme fondue gluées tout en haut des flancs, a appelé son arpette, en disant à la cantonade :
"Viens voir, toi, ce que c´est un pneu correctement usé, et arrête une bonne fois de me dire que tu prends de l´angle!"...

Magie du circuit...

Chapitre 14 : Carole et Quatrédemie

En kart de location, on progresse vite pour atteindre le niveau de ceux qui ne passent pas à la compétition. Et les écarts s´avèrent faibles entre amateurs occasionnels motivés par l´arsouille, parce que chaque erreur est pardonnée, sans souffrance ni dégât.

La limite franchie se traduit par un tête à queue plutôt amusant ou une sortie dans l´herbe sans danger. De sorte que comprendre où se situe cette limite et jouer avec elle est un apprentissage aisé.

La moto est bien plus exigeante. Une chute, c´est le plus souvent la fin de partie pour le week-end et quelques séances de mécanique ou de cosmétique à suivre.
Et parfois ça fait mal à la monture et au pilote.
Alors on est généralement plus circonspect "globalement".
Mais l´ivresse vous guette, au freinage, à la prise d´angle ou en sortie de courbe, chaque fois que l´on se laisse aller à la compétition avec autrui, ou avec soi-même, c´est à dire, environ... chaque fois...

Quatrédemie dès sa première version circuit, telle que je vous l´ai montrée, en moteur et cadre stock mais déjà allégée fortement, munie d´excellents freins et chaussée d´Avon piste, sur un circuit court comme Carole, s´est très vite révélée, dans sa catégorie, mais pas que :  indécrochable freineuse, très maniable et pardonnant tout, capable d´une étonnante vitesse de passage en courbe et accélération entre 2 virages, seulement limitée par l´allonge modeste de ses supposés 45 canassons au vilo. Les 2 lignes droites très courtes de Carole n´en faisaient pas un handicap majeur. Quel bonheur de reprendre au freinage à tambour, juché sur son tromblon, la moderne et puissante rivale qui vient de vous déposer au moteur!

Un super jouet donc pour étonner les sportives de l´époque en version légale, avec 2 fois plus de chevaux, certes, et le poids d´un passager en supplément bagages...

... Je tractais alors Quatrédemie, avec un indéniable succès d´estime globale, derrière une Pininfarina Spidereuropa 1984.

Ce cabriolet italien des sixties à propulsion tenait parfaitement la route nonobstant son essieu rigide (il a été réédité assez fidèlement du point de vue esthétique de 2015 à 2019 ; désormais fabriqué à Hiroshima, sur plateforme technique commune avec la Mazda Mx5, et sous sa dénomination originelle de Fiat 124, ou celle d´Abarth 124).
.
En 1966 il était le concurrent, en dolce vita, de l´Alfa Duetto, dont la longévité a été plus grande (depuis l´époque de Mastroianni, avec son coffre en "os de seiche", jusqu'aux années 2000, à peine retouchée).

Restylé et remotorisé pour les US à la fin des seventies, il avait brièvement été réimporté en 1982 en France, sous la marque Pininfarina, avec son 2 litres injection, lequel était resté accouplé à la boîte courte des premiers modèles 1400, qui le plafonnait à 175, lorsque l´Alfa accrochait 200!
En conséquence de quoi, avec un couple camion, même attelé à Quatrédemie, je montais n´importe quelle côte sans avoir à rétrograder.... jusqu´au jour de 1994 où le roulement de sortie de boîte et le palier m´ont abandonné, au retour de Dijon-Prenois....

J´ai retrouvé une boite d'occasion et revendu à regret mon joli tracteur italien, encore muni de ses trompes multitons chantant la Cucaracha, que mon frère m´avait installées pour mes 30 ans en 1990 avec cette oraison:
"tu as une bagnole de minet italien, il te faut le klaxon pour mariages qui va avec!"

,Je l´ai donc remplacée en 1995 par une Toyota MR, presque aussi stylée, et beaucoup plus fiable : ainsi MémèRe est elle encore aujourd'hui mon véhicule de trait pour Quatrédemie et NC30..

Avec l´une ou l´autre, mon équipage attirait les regards et les gestes approbateurs, depuis le périph parisien jusqu'au parking concurrents de Carole, et, à bien y réfléchir, plus que la parfaite CBR900RR Fireblade, cela participait à mon bonheur de motard trentenaire, aux goûts déjà surannés....

Excellent feuilleton. A conserver   en archives.

Ces encouragements sont entendus avec joie : alors n´archivez pas encore. Je continue....

Chapitre 15 : Et la chute de cette histoire?

Il fallait bien qu´elle arrive un jour!
Que Sainte Gamelle pointe son nez ...
pour regarder de plus près ce qu´avaient de si stimulant les courbes de cette banlieusarde de Carole, de 15 à 17 le dimanche.

Et puisque Sainte Barbe semblait, 16 ans après, se satisfaire de son exploit du 1er janvier 1979, qu´Elle au moins, Grosse Gamelle, la Sainte patronne des casseurs et des plans à trois saignants (le motard, la bécane, la douleur), vienne inspecter en loucedé cette idylle trop ronronnante.

Attention!
Ou plutôt :
Inattention !!!
Qui ceint Gamelle ne l´entend pas crier "Gare!"...

Car GarGamel, le sorcier niaiseux du pays Schtroumpf qu´on sent et voit venir à 10 lieues, n´est pas frère de petit lait de Gamelle.

Car Gamelle pue, mais après son méfait.... tandis qu´avant, elle exhale les fragrances enivrantes de la bonne huile de ricin chaude, en volutes addictives bleutées qui voilent à la vue ses intentions profondes... de vous la mettre à 180 degrés, c´est à dire à l´horizontale, votre fildefériste compagne, votre étourdissante maîtresse d´essence.

Car Gamelle déteste l´eau de rose, lui préférant, foi de mâchicoulis, l´eau bouillante, surtout si elle est additionnée de ce glycol prohibé sur circuit parce qu´il vaut un billet gratuit pour Holiday on Ice.

Enfin, je dis ça, mais j´aurais pu écouter mon ange gardien. 27 ans sont passés et je comprends enfin, en écrivant ces lignes comme elles viennent, à quel point la vie nourrit sans relâche mon incrédulité paranoïaque par pincées de facéties (cela restera ma private joke).

Donc Sainte Gamelle frappera 3 fois.

Hé hé... un vrai "page turner" comme disent les ricains. Il y a du Ponson du Terrail dans tes écrits  ainsi que du Leroux (Gaston, pas celui de la chicorée, ou le ripoux  poupin du Balais Pourpon) sans oublier l'excellent et regretté Khomer Tran Duc, chroniqueur talentueux d'une célèbre revue motarde.
J'imagine Jano, Cuadrado et Edika illustrant cette saga.
A propos de gamelles, quand nous allions tourner à Charade avec les copains, il y avait le virage de Saint Genès Champanelle, que nous avions déjà surnommé "Cent Gamelles", même si elles n'étaient, en général, pas trop graves.
.

... il y eut en effet, dans l´éblouissement croissant des représentations dominicales sur la scène de Tremblay, 2 signes avant coureurs, négligés, de ce qu´une bécane reste une danseuse soumise aux lois de l´équilibre, même chaussée de ses jolis Repetto, savamment caoutchoutés pour être aussi adhérents au tarmac qu´un chausson de varappeur à la paroi, et même lorsque carters et autres carbus magnésium l´ont affûtée jusqu´au poids plume, pour mieux maîtriser voltes et caresses à l´espace, tel un grimpeur libre, confiant, du bout des doigts, son corps et son âme à la blanche magnésie...

.... plein angle, sans déhancher car j´avais appris par moi-même, à l´ancienne, et je trouvais cela plus esthétique, avec la Marzocchi non réglable et trop souple, une fois la semelle des bottes sans sliders bien biseautée, j´ai commencé à toucher l´extrémité gauche du goujon arrière de fixation du moteur au berceau du cadre d´origine.

Cela faisait un bruit de ferraille frottée et le train arrière me gratifiait d´un bref sautillement, aussitôt recollé par le pneu, donc sans conséquence autre que d´avoir accompagné le virage par un petit pas de clerc, presqu´opportun, et la conviction orgueilleuse d´être aussi audacieux qu´efficace.

Au retour au stand, j´observai graduellement le biseautage du goujon, puis du boulon, sans conséquence mécanique inquiétante.

Et, en autodidacte solitaire "un peu lent à la comprenette", je ne déduisais pas alors la nécessité de durcir les suspensions, pour éviter de perdre la garde au sol lors des freinages avec changements d´angle où je constatais ce contact... Après tout, j´en tirais même plutôt stupidement
fierté...

Jusqu´à ce que je perde, une première fois, puis une seconde un week-end suivant, au même fichu gauche précédant la parabolique, le contact au sol des 2 roues simultanément, suscitant sans sursaut l´allongement horizontal immédiat de Quatrédemie, heureusement avec peu de dégâts, le virage étant plutôt lent.

Je n´ai pas alors eu l´idée de regarder sous le berceau.

J´y aurais pourtant vu une longue estafilade, montrant que c´était maintenant le cadre qui posait au sol, bien au milieu de l´empattement, soulevant de la piste d´un mouvement délié et sans violence perceptible, les 2 roues à la fois ....

Pas bon pour la danseuse et son cavalier.

Peut-être l´explication pour laquelle Alain Michel, le fameux sidecariste, du temps lointain où il portait sur piste Quatrédemie en solo, avait scié le berceau dédoublé depuis le support avant du moteur jusqu´au renfort de fixation arrière du bras oscillant. Mais décidément "l´expérience est une chandelle qui éclaire celui seulement qui la porte."

A ce moment là, j´ai pris la résolution de fabriquer une copie du cadre Adco, qui était bien plus léger, bien plus beau, sans berceau, et n´utilisait aucune fixation moteur avant, seulement les 2 de la culasse et les 3 arrières, désormais resserrées au maximum et hors de portée d´un contact au sol.

En attendant cette échéance encore lointaine, je continuais mes visites dominicales à Carole, en faisant juste un peu plus attention au virage maudit.

Au printemps 1995 je prenais la licence FFM, et participais peu après à ma première "course" Afamac à Carole ...

Oh divine surprise!
Aux essais, ayant l´avantage de mieux connaître Carole que la plupart des concurrents, malgré mon moteur et mon cadre stocks, mais avec l´aide du tambour de TR3 constituant mon arme fatale dans ce circuit de freinage... je me voyais crédité du meilleur temps de la catégorie 500 classic!

J´allais donc partir en pôle à ma première "compétition joebartienne" parisienne, à 34 ans....

Aurais-je raté ma vocation?
En tout cas, il ne fallait pas laisser la chance d´épater les sponsors de mon ego.

Il me restait la soirée, ma boîte à outils, et l´espace devant mon box encombré, pour optimiser le frein diabolique de Quatrédemie, dont les garnitures avant donnaient quelques signaux d´usure, les biellettes étant à bout de réglage...

J´allais donc ce soir installer les 4 mâchoires flambant neuf que j'avais achetées avec le frein, et demain matin, à 9h, après le passage des sidecars, j´allais leur montrer que le maître de Carole était Quatrédemie....

Je crains qu´aujourd'hui le stand retraite n´accapare mes plumes d´oie, et répande pour d´autres lecteurs tout mon "cent d´encres" (comme l´avait osé Pivot dans sa dictée)...

Je profite de cet interlude subi pour confesser ma très grande faute, comme fils de quincaillier, mécanicien du dimanche, périgourdin à la plume de canard et ancien homme de lois spécialiste de la levée d´écrou...
ma honte à avoir écrit "boulon" au lieu d´"écrou".
L´usure en biseau du cerveau, sans doute, par excès d´années et d´amphigouri.
Lesquels succédanés valent cependant mieux qu´un succès damné au concours Lépine, pour pommades anti rires, gélules de foie gras et décoctions de Bergerac...

No worry. Tes lecteurs "auront rectifié d'eux-mêmes" comme disent journalopes et pressetituées. En tant que spécialiste de l'armement, j'ai renoncé à faire comprendre les différences entre pistolets et revolvers, mitrailleuses et fusils-mitrailleurs, fusils et carabines, douilles et étuis, procureur et avocat général... euh non, ce dernier exemple est plus de tes compétences. Tu t'exprimes dans un Français impeccable que j'ai perdu l'habitude de lire et d'entendre. La suite, la suite!

.... M. l´avocat général,

On accuse mon client d´avoir pété un boulon, et biseauté un écrou en frottant sans vergogne le bitume de Carole avec son goujon.

Mais il n´y a là nul crime passionnel ni contre Quatrédemie ni envers Carole, car il manque le crime.

Mon client n´a qu´égratigné, mû d´une passion narrative, une langue pas farouche, en laissant librement parler son enfance à d´autres vieux enfants comme lui attentifs à la rouille, qui jamais ne lui brisaient l´écoute.

Pas de crime, pas de délit.
A peine une contravinattention.

Mon client a bien eu naguère la tentation de tirer un coup sur la gamelle pour effrayer la chatte de sa voisine qui grimpe partout en laissant ses empreintes sur NC30 et MémèRe. Mais son amour des félins l´en a préservé : n´oubliez pas qu´il a peint à 16 ans "le chat dingue" de Gaston sur le réservoir de CB93.

Quant à cette histoire d´étui et de douilles, dont vous déplorez la confusion, vous devrez admettre qu´il n´a pas contribué à celle-ci.

Comment aurait-il pu?
Initié jeune aux subtilités relatives aux calibres et aux douilles, par un grand père quincaillier qui vendait des douilles de 20mm pour serrer les boulons, et des munitions de 12 ou de 16 fabriquées entre deux clients, il savait que la bonne cartouche, pour la petite caille ou le gros cochon suppose une bonne amorce et qu´on bourre bien l´étui.

Son frère aîné lui avait, quant à lui, transmis le goût précoce des maquettes d´avions de chasse, où il fut initié à distinguer calibres, balles et obus, mitrailleuses et autres canons.

Complétant sa formation, la suspension au mur des 3 fusils du grand père démontrait qu´on pouvait modifier un fusil Gras de la première Guerre avec sa culasse à levier et son poids d´enclume pour tirer une unique cartouche de chasse à travers son canon lisse réalésé, sans en faire une carabine.
Mais que pour accompagner mon grand-père et tirer 2 coups, ma grand-mère préférait au Gras son délicat calibre 20 pour dames.

Mon client donc est rouge de honte pour les écrous, il l´a déjà confessé,
mais vierge de confusion Inoculée à autrui en matière de douilles et d´étui.

Bref, il sait et professe avec son cher Magpul, que l´étui est en dessous de 20, les douilles au dessus, sauf dans ce qu´il reste encore de la forêt amazonienne où quelques hommes libres et nus persistent à placer l´étui au dessus des douilles.

NB : si j´ai écrit levier au lieu de "verrou", c´est que je redoutais qu´un juré ayant "un jour, ou peut-être une nuit" trempé son pinceau en admirant Fragonard ne juge mon propos de culasse et de fusil rechambré exagérément gras, quand seule la poésie l´habite.

... De retour au box en cette fin d´après-midi de juin 1995, je m´installe à même le sol, entre les boxes, et démonte la roue avant. Ouvrir le gros 4 cames Yamaha de compétition ne pose pas de difficulté. Juste, de temps à autre, la nécessité de me déplacer pour laisser passer les bagnoles rejoignant leur garage, et me regardant avec suspicion.
Décrocher les ressorts à boudin et surtout les remettre après changement des garnitures de 260 mm est un peu plus ardu pour qui n´a pas l´expérience du bon geste.
Détalonnage à la lime de rigueur puis remontage du flasque dans le tambour ...
et Merdre, aurait dit le Père Ubu : ça ne rentre pas!

J´ignorais que les garnitures neuves étaient vendues au-delà de la cote et devaient être ajustées au tour avant installation!
N´ayant qu´une grosse lime à métaux, je me lance bêtement à l´assaut du problème, un simple foulard sur le nez, me rappelant la mise en garde paternelle : c´est bourré d´amiante....

... mais que c´est long, et combien cela fait transpirer, de réduire à peu près convenablement la cote des 4 segments d'un 4 cames de 260 mm, à la lime à métaux, assis en tailleur à même le béton, sans même un étau, avec un foulard doublé en guise de cache-nez et l´obligation d´essayer, d´essayer encore, et de rallumer régulièrement l´éclairage des parties communes, faute d'électricité privative !
Minuit avait sonné, et peut-être une heure, lorsqu´a bout de patience et d´efforts j´ai enfin pu remonter la roue avant et rentrer Quatrédemie, au chausse pied, dans le box plein comme un oeuf.

Allez, au lit pour être d´attaque à 6 h. Et je réglerai les biellettes demain à Carole, avant la course side car qui ouvre le bal à 9 h....

Chapitre x : Paradoxes....

Je me suis levé de bon matin.
Un matin désiré.

Mais on fête Désiré le 8 mai, qui est, à mieux y réfléchir, une date sinistrement heureuse.
Une fleur de fumier....

Un motard , dans son Monde sur 2 ou 3 roues, dirait que Désiré a pris Gamelle pour maîtresse, jusqu´à oublier que le 9 mai on fête les Caroline, et que Carole est morte à Rungis.

Ce matin désiré n´était pas un bon matin....

Ou bien il faut tenir pour merveilleux de mourir en scène, en jouant le malade imaginaire, tel Molière, selon la légende embellie.

Pierre Dac ajoutait que "le voeu de tout vivant bien portant est de mourir en bonne santé".

Ce matin là, dans la première course, au bout de la première ligne droite, un side-car a filé tout droit.

Je ne connaissais pas l´équipage, un couple, plus tout jeune. Et j´ai oublié leurs noms.

Au bout de la ligne droite le pilote s´est affaissé sur son guidon. Le bracelet coupe-contact réglementaire a stoppé le moteur dès la sortie de piste.

Et le singe, la partenaire de vie et de passion, a découvert son mari inanimé à côté d´elle...

Nul n´a pu le ramener à la vie, frappé d´une crise cardiaque au moment le plus intense pour un équipage, le freinage du premier virage de la course............

Pardonnez moi de n´avoir pas retenu ni su retrouver leurs noms, et de vous livrer ainsi leur mémoire ...

J´étais alors absorbé par une mécanique récalcitrante qui allait me faire rater le départ de la course qui suivrait ....

je n´ai su la cause sinistre du retard "salvateur".... qu´après m´en être réjoui.

Paradoxes.

Et après ces mémoires funèbres, après Molière, autorisez-moi Shakespeare, de mémoire, avant de revenir en insouciance :

"La vie n´est qu´une ombre qui passe. Un pauvre comédien qui se pavane et s´agite sur la scène pendant son heure et qu´après on n´entend plus.
C´est une histoire pleine de bruit et de fureur, dite par un idiot et qui ne signifie rien..."

Une course de moto, en somme?

Chapitre 15 (toujours...)

.... à défaut de pouvoir utilement déplacer les biellettes, j´ai retiré les tendeurs du dédoubleur au guidon, et enfin réussi à engager quelques filets de l´écrou freiné sur l´extrémité de chaque câble. Mais aucune garde résiduelle au levier. Et, pire, le frein léchait si fort que j´ai dû me faire aider pour démarrer à la poussette. Heureusement le départ s´effectuait moteur lancé, et j´étais en pôle! De toutes façons, après 2 ou 3 freinages la garde allait augmenter. C'est pour cela que le frein 4 cames comportait une grosse molette au guidon pour rattraper le jeu dès la mise en température du tambour...
Ne restait plus qu´à faire ces 2 ou 3 freinages, et je ne doutais pas de les planter comme il faut, même si je n´avais rien pu régler convenablement avant le lever de rideau....

Car depuis mon arrivée à Carole, je n´étais pas parvenu à raccorder normalement mes 2 câbles de frein avant, trop courts pour des mâchoires neuves qui repoussaient les 4 biellettes à l´extrémité de la plage de réglage.

Moi qui avais pensé optimiser mon potentiel de trappeur, je me trouvais en définitive dans les pires conditions d´agacement et d´approximation technique au signal de départ, avec un frein pas réglé, ni rodé, ni réglable en course.
J´avais fabriqué les câbles, sur ce frein acheté d´occasion sans sa commande, alors que les garnitures en place n´étaient plus neuves ; et la garde hors de la gaine était maintenant insuffisante....

Quatrédemie n´avait pas d´allonge avec son moteur standard. Mais elle démarrait fort.
Et je suis resté en tête jusqu´à "Alpha", bien à l´extérieur pour prendre au mieux ce gauche qui vous ramenait à 8 heures, après un premier freinage appuyé.

Au moins n´ai je gêné personne en réalisant mon premier tout droit dans l´herbe pour cause de perte complète des repères quant à la réaction du frein. Bêtement prévisible....

Reprise instantanée de la piste, avec la rage en tête d´être maintenant en milieu de peloton.
Mais cela n´allait pas s´améliorer au fil de la demi douzaine de tours qui  composaient ces courtes épreuves, me loupant encore une ou 2 fois là où j´aurais dû faire la différence...

Lorsque dans l´ultime ligne droite, longue d´environ 800 mètres, encadrée par les 2 gros freinages de "Golf" et d´"Hôtel", 3 concurrents m´ont facilement dépassé au moteur, trouvant l´humiliation trop dure, mes douilles ont pris d´un coup les commandes, bousculant par dessus bord ce qu'il me restait de neurones actifs.

Le frein s´était rodé et j´avais retrouvé, certes bien trop tard pour faire un résultat, mes sensations de trappeur. Il ne serait pas dit que j´étais une pince, et l´ultime freinage d´Hotel allait le démontrer, un droite qui s´engage par l´extérieur et dont la sortie à 5 heures sur le vibreur commande la ligne d´arrivée...

Ayant perdu toute mesure, je me suis positionné à l´intérieur et j´ai repris facilement au freinage les 2 paltoquets qui se voyaient plus beaux que moi parce qu'ils avaient plus de chevaux.
Mais le troisième était en train de prendre l´angle à droite lorsque j´arrivai sur lui, par l´intérieur, en missile fou, freinage à toc, roue arrière levée, incapable de faire autre chose que de recommander nos âmes à Saint Emilion, qui console et désinfecte par l´alcool les rêves frelatés : j´allais le percuter comme une quille et je n´y pouvais plus rien....

Un spectateur m´a montré sa vidéo, une fois ramassés les débris et Quatrédemie sortie de l´arène par le commissaire de piste. On y voyait ma roue avant engrener sur le flanc de la roue arrière qui me précédait, au moment où elle s´inclinait à droite, projetant Quatrédemie par dessus elle, pour retomber avec moi à sa gauche, pendant que mon prédécesseur effectuait son virage sans s´apercevoir de rien : sa combinaison bleue pétrole portait pourtant à l´arrivée une belle trace noire de gomme déposée par mon pneu au passage!

Quant aux 2 brièvement dépassés, il frôlaient mon casque sans me percuter.

Moi seul subissais ainsi de mon Hybris les conséquences spectaculaires mais indulgentes, puisque 2 semaines plus tard je découvrais Chimay dans la livrée précédemment montrée.

Aujourd'hui encore, je brûle en pensée une bougie à Sainte Gamelle et une à Sainte Barbe organisatrices de ce joli ballet pour Saints Innocents.
La Camarde avait eu sa dose ce jour là.

L´épilogue est plus léger :
6 ans après ces faits, désormais établi en Périgord et officiant dans une entreprise qui employait beaucoup de commerciaux, je déjeune avec un vendeur nouvellement recruté. Je le questionne sur ses hobbies. Il me parle de moto. M´explique qu´il avait participé en région parisienne à l´organisation d´épreuves... jusqu´à me raconter comment, commissaire bénévole à Carole, il avait un matin en Afamac assisté à un splendide soleil au dernier virage du dernier tour :
c´etait lui qui m´avait ramassé!

On en a ri pour la peine.
Mais, sans doute, ayant dès cet instant pu constater que la direction ne tenait pas la route, il est parti, aux essais...

Excellent ! On a l'impression de le vivre, à défaut de l'avoir vécu! Très émouvant, l'épisode du couple d'inséparables en side car.

"Restez vigilants: votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer."
1 Pierre 5:8-9

Chapitre 16 Bis repetita

189 kgs réels sans essence. 102 CV réglementaires réels au gros boudin. 245 km/h illégalement réels sur autoroutes aux grandes courbes conçues pour cela, sans beaucoup de radars. De bon freins et de bonnes suspates. Aucune assistance électronique ni ABS. Un comportement parfait même sur circuit, à mon niveau.
Et tout bien en place sans négliger le confort de conduite. A peine si on peut lui reprocher visuellement un réservoir bien joufflu et l´aspect rondouillard de l´arc du cadre qu´il prolonge : cela n'a pas la finesse esthétique d´une 750 pistarde, d´une RC30.
Mais le couple des 900 cc est bien là, les montées en régime vives jusqu'à 11.000, et les accélérations au sommet de la hiérarchie du moment, toutes catégories confondues, avec ce poids plume magnifiquement pensé.

Alors je lui pardonne le confort sur grand trajet limité par les turbulences bruyantes sur le casque du fait d´une bulle bien petite, et la position en appui sur les poignets, moins reposante qu´une VFR.

Ce compromis est vraiment une révolution en 1992 :
Fireblade n´apporte que de la joie au motard "sportif". Je ne suis pas seul à le penser.

Cependant, que voulez-vous, en version masculine, le modèle humain bipède qui au pensionnat imaginait les concours de longueur de poils tendus sur scotch, pour réduire celles, les longueurs, les langueurs, les lenteurs, interminables, des études silencieuses rythmant, pesamment, la journée de travail du collégien, jour après jour, mardi après lundi, de 7h30 à 21 heures, étude après cours, et cours après étude, avec exactement 4 heures de pauses saupoudrées-minutées, et cela du lundi matin au samedi midi.... le motard masculin, donc, depuis la découverte de ses hormones, rêve ...
d´ajouter des étalons dans son haras.

Une, voire, dit-on, deux douzaines de chevaux vapeur en plus après simple remplacement des arbres a cames, bridés pour la France, par le modèle original disponible en Belgique : c´est tentant.

D´autant plus qu´il ne s´agit là que de restituer à la belle ses vrais attributs. Lui enlever le masque de clown du règlement franchouillard pour lui rendre son masque à oxygène nippon. Qui s´en apercevra?

Vive l´Europe : mon p´tit colis livré par la poste en quelques jours. Même pas cher. J´y ajouterai un kit ressorts aiguilles Dynojet pour récupérer de la vivacité à l´ouverture des gaz et j´augmenterai la taille des gicleurs, pour s´adapter au débridage et à l´échappement Yoshimura carbone....

Avec leur pignon de distribution amovible et le cadre périmétrique c´est un jeu d´enfant de remplacer les arbres à cames, moteur dans le cadre.

Le souvenir d´Esselle me conduit à suivre méticuleusement les instructions de la revue technique. Et je n´inverse donc aucun boulon. Mieux, je serre, chose inhabituelle, chaque petite vis de 6 des pignons à la clé dynamométrique, après l´avoir soigneusement empéguée de Loctite frein filet rouge, comme préconisé.

Mais au moment où j´ai fait ces gestes, je me rappelle très bien avoir été possédé d´une pensée calorico-féline, un souvenir-remugle de chat échaudé si vous préférez, et en avoir subvocalisé l´exorcisme...
traduit pour mes indulgents lecteurs, cela donne à peu près :
"Par le grand Succube et par le petit Incube réunis à tous les D&W de la mécanique, toi le mini boulon, tu ne te desserreras jamais"!